Thérapie poétique

To J.P By G.A

Des halos de brume         

        Etendent leurs plumes

                 Sur les catafalques

                        Et les poissons-lune

                              Ces enfants du diable

                                    Marchent dans les flaques

© JP Desfosse in Lettre Morte     

A LA SANTE

Avant d’entrer dans ma cellule Il a fallu me mettre nu Et quelle voix sinistre ulule Guillaume qu’es tu devenu

Le Lazare entrant dans la tombe Au lieu d’en sortir comme il fit Adieu adieu chantante ronde Ô mes années ô jeunes filles

Non je ne me sens plus là Moi-même Je suis le quinze de la Onzième

Le soleil filtre à travers Les vitres Ses rayons font sur mes vers Les pitres

Et dansent sur le papier J’écoute Quelqu’un qui frappe du pied La voûte

Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promène Tournons tournons tournons toujours

Le ciel est bleu comme une chaîne Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promène

Dans la cellule d’à côté On y fait couler la fontaine Avec les clefs qu’il fait tinter Que le geôlier aille et revienne

Dans la cellule d’à côté On y fait couler la fontaine

Que je m’ennuie entre ces murs tout nus Et peints de couleurs pâles

Une mouche sur le papier à pas menus Parcourt mes lignes inégales

Que deviendrai-je ô Dieu qui connais ma douleur Toi qui me l’a donnée

Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur Le bruit de ma chaise enchaînée

Et tous ces pauvres cœurs battant dans la prison L’Amour qui m’accompagne

Prends en pitié surtout ma débile raison Et ce désespoir qui la gagne

Que lentement passent les heures comme passe un enterrement

Tu pleureras l’heure où tu pleures Qui passera trop vitement Comme passent toutes les heures

J’écoute les bruits de la ville Et prisonnier sans horizon Je ne vois rien qu’un ciel hostile Et les murs nus de ma prison

Le jour s’en va voici que brûle Une lampe dans la prison Nous sommes seuls dans ma cellule Belle clarté Chère raison

Guillaume Apollinaire – Septembre 1911 (Alcools)