La nef centrale

Fin 2022, l’ANEF 63 a lancé un appel général à contribution permettant à chaque membre de son écosystème (personne accompagnée, salarié, adhérent, partenaires, etc.) d’apporter sa touche personnelle à l’occasion des festivités d’anniversaire de ses soixante-dix printemps! L’objectif : proposer une contribution (individuelle et/ou collective) au format libre (texte, poème, photo, dessin…) autour du thème « Quel temps pour l’entraide ? »

Cette question formulée sans verbe interroge au-delà de son point d’interrogation. Que veut nous faire dire l’A.N.E.F 63 ? A.N.E.F est l’acronyme de Association Nationale d’Entraide Féminine. Bien sûr !  Une partie du mystère de la question réside dans le nom de celle qui la pose. Presque un pléonasme alors, comme une évidence pourtant, contrée par une résistance toutefois.

Cela fait 70 ans que les bénévoles, salariés, mandataires, partenaires de l’ANEF font de l’entraide autant un objectif qu’un moyen, tournés vers celles et ceux qui en ont le plus besoin. 70 ans… Je vous parle d’un temps… Alors, la question se pose et se décline à l’envi : est-il encore temps de s’entraider ? a-t-on le temps de s’entraider ? quel temps consacrer à l’entraide ? le temps de l’entraide est-il venu ou dépassé ? l’entraide est-elle intemporelle ? Et si la question ne se posait même pas ? Si c’était une évidence ?

Offrir son aide n’a rien d’évident : cela suppose de prendre un risque, des risques : celui d’aller vers l’autre parce qu’on a identifié qu’il était en difficulté et de se voir rejeter, de se voir reprocher de ne pas en faire assez ou au contraire de s’immiscer, de s’entendre dire qu’on ne sert à rien, de se faire cracher au visage au sens propre comme au sens figuré. Alors pourquoi prendre le temps d’aider, à quoi bon perdre son temps ?

L’aide est unilatérale et se passe parfois du consentement d’autrui. Elle peut alors être ressentie comme une immixtion, une invasion, un dépassement et un non-respect de la limite du libre-arbitre. « Je n’ai pas besoin de ton aide » ou « Je ne veux pas de ton aide » : combien de fois entendrons-nous et prononcerons-nous ces phrases au cours d’une vie ?

Au contraire et par définition, l’entraide est a minima bilatérale, voire multilatérale ; je n’aide pas seulement l’autre ; l’autre m’aide aussi ; et d’autres encore peuvent aider et se faire aider, chacun y trouvant une parcelle de soutien, de bienveillance, d’amitié, de confiance, de ressources. L’entraide suppose un consentement mutuel, à l’instar de toute relation. C’est une coopération, un échange, un partage. L’entraide repose sur le principe de réciprocité. Dès lors, on a tout à y gagner, y compris du temps. Le temps que je passe à aider l’autre est un temps restitué par l’autre lorsqu’il m’aide à son tour.

En quelques tours de mots, nous sommes passés de perdre son temps à prendre le temps à rendre le temps pour au final en gagner, y gagner.

Pourtant, n’y aurait-il pas comme un rejet, un refus, une résistance diffuse à l’entraide malgré ses évidents avantages ? N’y verrait-on pas une tentative de manipulation, une crainte de déséquilibre ? Au final, n’y a-t-il pas toujours un perdant dans une relation ? Il est tentant de se poser toutes ces questions, de réfléchir avant d’agir tout simplement, de prendre le temps de mesurer tous les paramètres. Mais on n’a pas toujours ce temps. Et même lorsqu’on l’a, est-il toujours bon d’en faire usage ? Le mieux n’est-il pas presque toujours l’ennemi du bien?

« Ce qui manque le plus à notre époque, ce n’est pas la réflexion mais la passion » (aphorisme prêté à Kierkegaard). C’est sûrement vrai quelle que soit l’époque en réalité. A trop cogiter, on procrastine, on se trouve des excuses, on n’écoute plus son cœur, on s’isole, on a peur de l’autre, on craint de sortir vaincu. Or, le temps de l’entraide, c’est avant tout le temps des élans du cœur mis en partage pour le bien commun. Et rien d’autre.

L’Association Nationale d’Entraide Féminine est née en 1952, fondée par Marguerite-Marie Michelin, marquée durablement par sa douloureuse expérience au camp de Ravensbrück. D’abord constituée de 11 établissements et services répartis sur le territoire national, l’association est reconnue d’utilité publique en 1968 puis élargit ses statuts en 1976 pour accueillir aussi des hommes ; elle devient alors l’Association Nationale d’Entraide, dite ANEF. En 2008, les services clermontois s’autonomisent et deviennent l’ANEF Puy de Dôme, puis ANEF 63 en 2019. Aujourd’hui, l’ANEF 63 déploie et adapte son action tant auprès des femmes victimes de violences que des personnes isolées, des demandeurs d’asile et des mineurs en danger. Pour la période 2021-2023, l’éducation est au cœur de son projet associatif. Elle porte toujours fièrement les valeurs humanistes prônées par la Fédération ANEF dans sa charte de 2008 et toujours d’actualité : « Combattre toute forme d’exclusion ; Respecter toute personne quelles que soient ses origines culturelles ou sociales ; Reconnaître un potentiel d’évolution en chacun ; Mettre en œuvre la solidarité entre les personnes au sein de la société ». L’ANEF 63 intervient soit à la demande des pouvoirs publics, soit de sa propre initiative avec l’appui de son fonds de dotation sur des actions qui s’inscrivent dans le cadre de son projet associatif. Chaque action est adaptée aux cas particuliers, aux besoins et aux capacités des personnes accompagnées. Protéger, accompagner, favoriser l’autonomie et héberger ou loger sont les missions de l’ANEF 63 et de ses 190 salariés, répartis au sein de 17 établissements et services et de 3 pôles d’activités, au service de 3500 personnes.

L’ANEF 63 a été auditionnée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2021 sur le thème des jeunes majeurs vulnérables, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances 2022. Retrouvez ici la tribune de la Fédération ANEF parue dans les A.S.H du 17 décembre 2021 sur cette zone grise de la protection de jeunes personnes, parfois sorties de l’A.S.E, parfois juste perdues sur les innombrables chemins de la vie, mais toujours en grandes difficultés sociales et économiques et qui ne rentrent pas/plus dans des cases prédéfinies. Il est pourtant indispensable, si l’on veut tendre vers une société plus équitable, qu’il en soit de l’accès aux droits communs comme de Rome: tous les chemins doivent y mener. Pour cela, ne devrait-on pas apprendre à penser “out of the box” ?

De par ses valeurs qui sont si pleinement et si simplement partagées avec la FMD, dans le fond et dans la forme, l’ANEF 63 trouve naturellement sa place dans ces pages. Par son action très volontariste, l’ANEF 63 contribue, chaque jour, avec entrain et conviction, à chasser la grisaille du ciel des plus fragiles.

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